George Sand (1804-1876)

Chatterton

Quand vous aurez prouvé, messieurs du journalisme,
Que Chatterton eut tort de mourir ignoré,
Qu'au Théâtre-Français on l'a défiguré,
Quand vous aurez crié sept fois à l'athéisme,

Sept fois au contresens et sept fois au sophisme,
Vous n'aurez pas prouvé que je n'ai pas pleuré.
Et si mes pleurs ont tort devant le pédantisme,
Savez-vous, moucherons,                          ce que je vous dirai ?

Je vous dirai : " Sachez que les larmes humaines
Ressemblent en grandeur                         aux flots de l'Océan ;
On n'en fait rien de bon en les analysant ;

Quand vous en puiseriez deux tonnes toutes pleines,
En les faisant sécher, vous n'en aurez demain
Qu'un méchant grain de sel dans le creux de la main. "


Flavie

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Biographie de George Sand

 

george sandSand (Amandine Lucie Aurore Dupin, dite George Sand), femme de lettres née à Paris en 1804 et morte à Nohant le 8 juin 1876. Vivant de sa plume, George Sand est une femme incarnant de nombreuses valeurs. Elle est à la fois féministe et idéaliste engagée, grande amoureuse, on lui prête des liaisons célèbres et scandaleuses, provocatrice, elle s’affiche fumant le cigare dans des vêtements d’homme, on l’a surnomme la « bonne Dame de Nohant ». Ecrivain discutant littérature et style avec son ami Flaubert (Correspondances en 1876 ), ou dialoguant avec le révolutionnaire Pierre Leroux, elle marque son siècle en ne cessant d’écrire sa vie durant, et s’accomplissant dans des types de prose très variés et différents : du roman, en passant par des articles de journaux, des critiques littéraire, mais aussi le conte, le théâtre, ou même la relation de voyage, le récit autobiographique, jusqu’à la correspondance…

George Sand fut en son temps un personnage d’'envergure nationale, reconnue en France et à l’'étranger pour son œuvre littéraire comme pour ses engagements sociaux et politiques. Elle reçut l'’hommage de ses contemporains les plus prestigieux :

Gustave Flaubert « Elle restera une illustration de la France et une gloire unique ».
"Comme créatrice de chefs-d'œuvre, vous êtes la première de toutes les femmes, vous avez ce rang unique, vous êtes la première femme, au point de vue de l'art, non seulement dans notre temps, mais dans tous les temps; vous êtes le plus puissant esprit, et aussi le plus charmant, qui ait été donné à votre sexe. Vous honorez, Madame, notre siècle et notre pays (…). Je vous remercie d'être une si grande âme." Victor Hugo, lettre à George Sand, Paris, 19 juin 1875



Les contes

George Sand commença... en écrivant en 1837, un conte pour Solange : Le Roi des neiges. Puis en 1850, l’Histoire du véritable Gribouille, pour la fille d’Alphonse Fleury. Elle continua avec La Fée qui court en 1859 et La Coupe en 1865. Mais c’est plus tard, pour ses deux petites-filles, Aurore et Gabrielle, qu’elle écrira Les Contes d’une grand-mère. Au nombre de treize, ils vont au-delà du simple divertissement.
“ Ces contes ont deux niveaux de lecture : celui du merveilleux poétique attaché au monde de l’enfance et celui des interrogations existentielles que sont la vie, la mort, Dieu et le moi. ”
Bertrand Tillier ABCdaire p. 52

Contes d’une grand’mère

C’est aussi ce don d’émerveillement qui apparaît dans les Contes d’une grand’mère, parus en deux séries (1873 et 1876), émerveillement devant les phénomènes naturels, mais aussi devant la fée Électricité. Le merveilleux est de tous les jours, mais il faut savoir le voir. Le féerique ne consiste pas en une libération des lois de la nature, mais au contraire dans la découverte de ces lois. Ces contes appartiennent au registre du merveilleux, non du fantastique, si l’on excepte peut-être L’orgue du Titan, qui a quelques aspects hoffmanniens (ici le héros est un artiste : l’enfant s’est révélé musicien sur ces orgues que forment les laves de basalte). Mais la plupart du temps, le héros se contente d’un regard émerveillé, et ce regard est déjà beaucoup.

Savoir voir, mais plutôt savoir entendre ces voix mystérieuses de la nature. « J’ai trahi pour vous le secret du vent », dit la conteuse (t.II, p.141). Certains titres sont bien caractéristiques : Le chêne parlant ou encore Ce que disent les fleurs. Dans ce conte, une petite fille croit entendre parler les fleurs ; son précepteur pense qu’elle est malade, mais la grand-mère tranche le débat : « Je vous plains, si vous n’avez jamais entendu ce que disent les roses. Quant à moi, je regrette le temps où je l’entendais. C’est une faculté de l’enfance. Prenez garde de confondre les facultés et les maladies » (t.I, p.19). Ces contes, George Sand les a essayés sur ses propres petites-filles au cours des soirées à Nohant. La voix de la conteuse reprend et prolonge cette voix de la nature, et l’oralité de ces textes est un de leurs charmes. George Sand, ici, ne fait pas oeuvre de folkloriste ; elle invente, mais en retrouvant souvent les structures, le rythme des contes populaires (sensibles également dans certains romans paysans, tel François le Champi). Il y avait une fois… La dernière oeuvre d’une femme qui a tant écrit est un hymne à la parole.
Les Contes sont bien autre chose qu’un jeu. En un sens, ils apportent, à la veille de la mort, une conclusion sereine à une vie longue et si active. La « Fée poussière » explique : « Je sème la destruction pour faire pousser le germe. Il en est ainsi de toutes les poussières, qu’elles aient été plantes, animaux ou personnes. Elles sont la mort après avoir été la vie, et cela n’a rien de triste, puisqu’elles recommencent toujours, grâce à moi, à être la vie après avoir été la mort. » En partant, la fée laisse un morceau de sa robe de bal : « Je fus émerveillée ; il y avait de tout ; de l’air, de l’eau, du soleil, de l’or, des diamants. […] au milieu de ce mélange de débris imperceptibles, je vis fermenter je ne sais quelle vie d’êtres insaisissables qui paraissaient chercher à se fixer quelque part pour éclore ou pour se transformer, et qui se fondirent en nuage d’or dans le rayon rose du soleil levant » Culturesfrance

« … car, si je vous fais ces contes pour vous amuser, je veux qu’ils vous instruisent un peu en vous faisant chercher une partie de la quantité de mots et de choses que vous ne savez pas encore. Quand toutes deux vous comprendrez tout à fait sans qu’on vous aide, je n’y serai peut-être plus. Souvenez-vous alors de la grand-mère qui vous adorait. »

Le Chêne parlant : "Il y avait autrefois en la forêt de Cernas un gros vieux chêne qui pouvait bien avoir cinq cents ans. La foudre l'avait frappé plusieurs fois, et il avait dû se faire une tête nouvelle, un peu écrasée, mais épaisse et verdoyante. Longtemps ce chêne avait eu une mauvaise réputation. Les plus vieilles gens du village voisin disaient encore que, dans leur jeunesse, ce chêne parlait et menaçait ceux qui voulaient se reposer sous son ombrage. Ils racontaient que deux voyageurs, y cherchant un abri, avaient été foudroyés. L'un d'eux était mort sur le coup ; l'autre s'était éloigné à temps et n'avait été qu'étourdi, parce qu'il avait été averti par une voix qui lui criait :..." la suite

Le Chien et la fleur sacrée : "Nous avions jadis pour voisin de campagne un homme dont le nom prêtait souvent à rire : il s'appelait M. Lechien. Il en plaisantait le premier et ne paraissait nullement contrarié quand les enfants l'appelaient Médor ou Azor. C'était un homme très bon, très doux, un peu froid de manières, mais très estimé pour la droiture et l'aménité de son caractère. Rien en lui, hormis son nom, ne paraissait bizarre : aussi nous étonna-t-il beaucoup, un jour où son chien avait fait une sottise au milieu du dîner. Au lieu de le gronder ou de le battre, il lui adressa, d'un ton froid et en le regardant fixement, cette étrange mercuriale :..." la suite

L'Orgue du titan : "Un soir, l'improvisation musicale du vieux et illustre maître Angelin nous passionnait comme de coutume, lorsqu'une corde de piano vint à se briser avec une vibration insignifiante pour nous, mais qui produisit sur les nerfs surexcités de l'artiste l'effet du coup de foudre. Il recula brusquement sa chaise, frotta ses mains, comme si, chose impossible, la corde les eût cinglées, et laissa échapper ces étranges paroles :..." la suite

Ce que disent les fleurs : "Quand j'étais enfant, ma chère Aurore, j'étais très tourmentée de ne pouvoir saisir ce que les fleurs se disaient entre elles. Mon professeur de botanique m'assurait qu'elles ne disaient rien ; soit qu'il fût sourd, soit qu'il ne voulût pas me dire la vérité, il jurait qu'elles ne disaient rien du tout. Je savais bien le contraire. Je les entendais babiller confusément, surtout à la rosée du soir ; mais elles parlaient trop bas pour que je pusse distinguer leurs paroles ; et puis elles étaient méfiantes, et, quand je passais près des plates-bandes du jardin ou sur le sentier du pré, elles s'avertissaient par une espèce de psitt, qui courait de l'une à l'autre... " la suite

Le Marteau rouge : "J'ai trahi pour vous, mes enfants, le secret du vent et des roses. Je vais vous raconter maintenant l'histoire d'un caillou. Mais je vous tromperais si je vous disais que les cailloux parlent comme les fleurs. S'ils disent quelque chose, lorsqu'on les frappe, nous ne pouvons l'entendre que comme un bruit sans paroles. Tout dans la nature a une voix, mais nous ne pouvons attribuer la parole qu'aux êtres. Une fleur est un être pourvu d'organes et qui participe largement à la vie universelle. Les pierres ne vivent pas, elles ne sont que les ossements d'un grand corps, qui est la planète, et, ce grand corps, on peut le considérer comme un être ; mais les fragments de son ossature ne sont pas plus des êtres par eux-mêmes qu'une phalange de nos doigts ou une portion de notre crâne n'est un être humain..." la suite

La Fée poussière : "Autrefois, il y a bien longtemps, mes chers enfants, j'étais jeune et j'entendais souvent les gens se plaindre d'une importune petite vieille qui entrait par les fenêtres quand on l'avait chassée par les portes. Elle était si fine et si menue, qu'en eût dit qu'elle flottait au lieu de marcher, et mes parents la comparaient à une petite fée. Les domestiques la détestaient et la renvoyaient à coups de plumeau, mais on ne l'avait pas plus tôt délogée d'une place qu'elle reparaissait à une autre..." la suite

Le Gnome des huitres : "Un original de nos amis, grand amateur d'huîtres, eut la fantaisie, l'an dernier, d'aller déguster sur place les produits des bancs les plus renommés, afin de les comparer et d'être édifié une fois pour toutes sur leurs différents mérites. Il alla donc à Cancale, à Ostende, à Marennes, et autres localités recommandables. Il revint persuadé que Paris est le port de mer où l'on trouve les meilleurs produits maritimes..." la suite

La Fée aux gros yeux : "Elsie avait une gouvernante irlandaise fort singulière. C'était la meilleure personne qui fût au monde, mais quelques animaux lui étaient antipathiques à ce point qu'elle entrait dans de véritables fureurs contre eux. Si une chauve-souris pénétrait le soir dans l'appartement, elle faisait des cris ridicules et s'indignait contre les personnes qui ne couraient pas sus à la pauvre bête. Comme beaucoup de gens éprouvent de la répugnance pour les chauves-souris, on n'eût pas fait grande attention à la sienne, si elle ne se fût étendue à de charmants oiseaux, les fauvettes, les rouges-gorges, les hirondelles et autres insectivores, sans en excepter les rossignols, qu'elle traitait de cruelles bêtes. Elle s'appelait miss Barbara ***, mais on lui avait donné le surnom de fée aux gros yeux ; fée, parce qu'elle était très savante et très mystérieuse ; aux gros yeux, parce qu'elle avait d'énormes yeux clairs saillants et bombés, que la malicieuse Elsie comparait à des bouchons de carafe..." la suite

Le château de Pictordu : « Tout en rêvant, Diane dessinait, dessinait ; mécontente de sa première copie, elle en fit une seconde, et puis une autre, et une autre, jusqu’à ce que l’album fût à moitié rempli. Et quand elle en fut là, elle n’était pas contente encore ; elle allait continuer, lorsqu’une petite main se posa sur son épaule. En se retournant avec vivacité, Diane vit derrière elle une fillette d’environ dix ans, assez pauvrement mise, mais jolie et bien faite, qui regardait son dessin et lui dit d’un air moqueur :

- Vous vous amusez donc à faire des bonnes femmes sur les livres, vous ?

- Oui, répondit Diane ; et vous ?

- Moi, non ! jamais. Mon père me le défend. Je ne gâte pas ses livres.

- Mon papa m’a donné celui-ci pour m’amuser, reprit Diane.

- Vraiment ? Il est donc bien riche ?

- Riche ? Mon Dieu, je ne sais pas !

- C’est que vous êtes riche, alors. Moi, je sais très bien ce que c’est d’être pauvre.

- Si vous êtes pauvre… je n’ai rien, moi, mais je vais demander à mon papa…

- Ah ! vous me prenez pour une mendiante ? Vous n’êtes pas polie, vous ! C’est parce que je n’ai qu’une petite robe d’indienne pendant que vous avez une jupe de soie ? Sachez que je suis pourtant très au-dessus de vous. Vous n’êtes que la fille d’un peintre, et moi je suis mademoiselle Blanche de Pictordu, fille du marquis de Pictordu. »

Voir commentaire d'Alexandra Morardet

George Sand décède le 8 juin 1876 à Nohant d’une occlusion intestinale jugée inopérable. Le 10 juin suivant, ont lieu ses obsèques en présence de son ami Flaubert, d’Alexandre Dumas fils et du Prince Napoléon venus de Paris. L’écrivain, auteur de plus de quatre-vingt dix romans, est inhumé dans la propriété familiale.